UNE FLAMBÉE ÉPIDÉMIQUE D'HERPÈSVIRUS ET SA PRÉVENTION DANS LES INSTALLATIONS INTÉRIEURES D'ÉLEVAGE DE PERROQUETS

Mark Hagen, M. Ag.
Étude réalisée à l'Université de Guelph, Department of Animal and Poultry Science
Guelph, Ontario, Canada
N1G 2W1

Introduction
La maladie de Pacheco est une maladie virale, très contagieuse et extrêmement grave, causée par un herpèsvirus des psittacidés. La propagation est rapide à l'intérieur d'une population prédisposée et la plupart des espèces de psittacidés peuvent contracter la maladie. Malheureusement, l'Institut Hagen de recherche en aviculture (H.A.R.I.) a dû faire face à une flambée épidémique de cette maladie en janvier et février 1989. Par le passé, des épidémies semblables se sont produites dans de grandes installations d'élevage de perroquets. Dans cet article, nous discutons de l'épidémie survenue chez H.A.R.I. et des moyens pour éviter de telles propagations virales.

Les installations
Chez H.A.R.I., tout comme chez de nombreux éleveurs des régions du nord, les oiseaux demeurent à l'intérieur toute l'année. Nous fonctionnons avec trois mois « d'hiver », c'est-à-dire sans brumisateur, huit heures de lumière et des températures plus froides, suivis de six mois « d'été » avec brumisateur, 14 heures de lumière et des températures plus chaudes. Lorsque les brumisateurs de serre suspendus fonctionnent, l'air est saturé de fines gouttelettes d'eau. Nos couples se baignent frénétiquement sous les brumisateurs, spécialement au début de la période de reproduction.

Le bâtiment occupé par H.A.R.I. au moment de l'épidémie était loué et n'avait pas été conçu spécialement pour abriter des oiseaux. À cause de nos hivers froids, nos coûts de chauffage sont élevés. Une petite quantité d'air de l'intérieur était remplacé par de l'air froid provenant de l'extérieur; nous avions éteint les ventilateurs. Le vétérinaire avait remarqué que la qualité de l'air était douteuse et nous avait recommandé d'engager un ingénieur pour concevoir un système de ventilation adéquat. Habituellement, l'air contient peu de poussière et ne sent pas mauvais. La circulation de l'air était déterminée par les ventilateurs de chauffage et n'était pas calculée pour réduire le transfert de chaleur entre les couples. Cependant, puisque nous devions déménager sous peu, il a été décidé de ne pas investir dans un système de ventilation coûteux pour ces installations temporaires.

Éclosion virale et traitement
Puis, en janvier et février 1989, sous des conditions « d'été » simulées, H.A.R.I. a connu une flambée épidémique d'herpèsvirus. Nous croyons fortement que le virus s'est propagé par les gouttelettes d'eau circulant dans l'air contaminé par les grillages des cages salies de fèces et par les déchets du plancher. Nous ne sommes pas sûrs de connaître la source exacte; s'agissait-il d'un oiseau porteur du virus depuis longtemps et vivant à H.A.R.I. depuis des années ou d'un oiseau arrivé à l'automne, alors que 18 nouveaux oiseaux étaient ajoutés à la colonie. Les derniers arrivants provenaient de nos propres sites de quarantaine, où aucun problème n'avait été décelé, ou étaient auparavant des oiseaux de compagnie. On y retrouvait quatre conures émeraude (Enicognathus ferruginea), quatre caïques maïpouri (Pionites melanocephala), quatre piones à front blanc (Pionus senilis), quatre cacatoès des Moluques (Cacatua moluccensis) et deux amazones à double tête jaune (Amazona o. magna). Pour diverses raisons, je ne crois pas qu'un de ces nouveaux oiseaux était porteur du virus; je crois plutôt qu'un des oiseaux que nous possédions déjà l'a répandu. D'après nos expériences antérieures, il est possible que nous ayions des amazones à nuque jaune (Amazona o. auropalliata) et/ou des amazones à ailes jaunes (Amazona aestiva xanthopteryx) porteuses, lesquelles sont des excréteurs intermittents de certains virus adaptés à leur hôte.

Nos amazones sont installées sur une longue rangée de cages mesurant 76 cm de largeur x 152 cm de hauteur x 320 cm de longueur, lesquelles sont divisées en deux. Très peu d'espace, environ 10 cm, sépare chaque ensemble de deux cages. Les espèces sont placées dans un ordre aléatoire. Les premiers cas de mortalité soudaine sont apparus dans le secteur où le débit d'air provenant du chauffage au gaz propane était le plus important, près du centre de cette rangée. En l'espace d'une semaine, la maladie s'est propagée à chaque extrémité de la rangée et, par conséquent, nous assumons que tous les oiseaux de cette rangée ont été exposés au virus. La plupart des oiseaux qui sont morts étaient cliniquement malades depuis deux jours.

Les oiseaux malades ont dû être alimentés par sonde pendant 5 à 10 jours, la plupart ayant arrêté de manger. On les nourrissait avec une formule à rendement élevé comprenant 24 % de protéines et 9 % de matières grasses (Tropican - Hagen), laquelle est également donnée sous forme de granulés aux oisillons nourris à la main, et aux oiseaux adultes pendant la reproduction. L'acyclovir (Zovirax - Welcome), un médicament pour traiter l'herpès génital chez les humains, a été administré par voie orale, à l'aide de la sonde d'alimentation, et par injection intramusculaire. Zovirax est un médicament très coûteux et il n'existe pas encore de documentation quant à son efficacité chez les perroquets malades. La plupart des oiseaux qui ont survécu aux trois premiers jours se sont rétablis, de sorte que les soins supplémentaires et les traitements médicaux n'ont pas été administrés en vain. Si nous avions vraiment fait de la recherche scientifique, la moitié des oiseaux malades n'aurait pas dû recevoir l'acyclovir, ce qui aurait permis une comparaison avec un groupe témoin pour observer les différences dans les causes de mortalité. Cependant, ces oiseaux ne sont pas uniquement précieux, ce sont également des animaux de compagnie, chacun ayant un comportement unique. Tous les efforts ont été faits pour sauver chacun d'entre eux.

Mortalité
H.A.R.I. a perdu 27 % de ses amazones (15 sur 56), alors que 13 oiseaux malades ont survécu. Nous avons observé des différences importantes de vulnérabilité chez chacune des espèces : chez les amazones à double tête jaune (Amazona o. magna), 6 sur 17 sont mortes et la plupart des autres ont été malades; parmi les amazones de Tucuman (Amazona tucumana), 5 sur 8 sont mortes; 2 des 3 amazones de Salvin (Amazona a. salvini) sont mortes, et 2 des 8 amazones à joues jaunes (Amazona a. autumnalis) sont mortes; ces amazones ont donc atteint le niveau le plus élevé de mortalité et de morbidité, alors que nos 10 amazones à nuque jaune (Amazona o. auropalliata), nos 6 amazones à front jaune (Amazona o. ochrocephala) et nos 4 amazones à ailes jaunes (Amazona aestiva xanthopteryx) ont été résistantes : seulement 3 oiseaux ont été malades et on n'a enregistré aucun décès. Toutes nos amazones à nuque jaune provenaient de postes de quarantaine où un taux important de mortalité (environ 25 %) s'était produit, mais pour lequel le laboratoire fédéral à Ottawa n'avait pu préciser l'agent responsable, même si nous croyions que la flambée épidémique de la maladie avait été causée par un virus Pox des amazones. Les aras (21 couples), et tous les oiseaux des vieux pays (40 couples de cacatoès, 8 couples de gris d'Afrique) n'ont pas été malades. Seulement 2 cacatoès des Moluques (Cacatua moluccensis) sont morts et 2 autres ont souffert de tremblements de la tête, après avoir été passablement malades, mais se sont rétablis grâce à l'alimentation par sonde et à des soins appropriés.

Deux mois plus tard, un ara militaire (Ara militaris) et un cacatoès des Moluques (Cacatua moluccensis) sont morts soudainement, le même jour. Ce fait s'est produit 5 jours après qu'un ventilateur de chauffage, celui-là même qui fut identifié comme le propagateur de l'agent responsable de la flambée épidémique, ait été allumé par erreur (la personne qui l'a allumé ne travaille plus à H.A.R.I!). L'autopsie et l'histopathologie générales de ces deux oiseaux étaient très semblables à celles des nombreux oiseaux morts quelques mois plus tôt; intestins, rate et foie gonflés et congestionnés et certaines hépatocytes laissaient croire à des inclusions virales. Fait contrariant, encore une fois, aucun virus n'a pu être isolé par l'inoculation modifiée de la membrane chorio-allantoïde de l'œuf SPG (exempt d'organismes pathogènes spécifiques).

Sérologie
Des analyses sérologiques ont été réalisées chez 9 des oiseaux malades ayant survécu et chez 5 oiseaux qui n'ont pas été malades, mais ont été exposés au virus et pourraient en être porteurs. Des porteurs potentiels ont été identifiés d'après leurs antécédents, dont leur association à une épidémie, dans un poste de quarantaine.

La sérologie a confirmé la présence d'anticorps de l'herpèsvirus de Pacheco chez tous les oiseaux malades qui se sont rétablis. Un des oiseaux, une amazone à nuque jaune, n'ayant montré aucun signe de maladie au cours de l'épidémie, a été testé positif pour les anticorps de l'herpèsvirus de Pacheco.

Rétablissement
Les oiseaux qui ont récupéré, l'ont fait très rapidement. Un couple d'amazones à double tête jaune (Amazona o. magna) était en période de reproduction et a produit des oeufs fertiles moins d'un mois après avoir été tellement malade qu'on avait dû nourrir de force les deux oiseaux, pendant 3 jours. Chez les volatiles, la maladie de Marek est aussi causée par un herpèsvirus et sa transmission par les oeufs n'a pas été démontrée. Nous avons décidé de retirer les oeufs, de les essuyer avec un désinfectant phénolique et de les incuber artificiellement pour l'élevage à la main. Deux des trois oeufs fertiles ont éclos et les oisillons ont été élevés avec succès.

Vaccination
Un vaccin contre l'herpèsvirus de Pacheco, produit à partir d'un virus tué, a été mis au point par Maine Biological Labs et est maintenant offert par certains vétérinaires expérimentés, spécialisés en oiseaux. La vaccination durant une éclosion virale peut propager la maladie et ne sauvera pas les oiseaux au stade aigu de la maladie. La vaccination de tous les oiseaux en santé, même dans un élevage fermé, devrait être effectuée avant une exposition.

Il semble y avoir plus de signes qu'il existe différentes souches d'herpèsvirus. Le service de virologie de la Direction des services de laboratoires vétérinaires du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de l'Ontario a isolé l'herpèsvirus de Pacheco, par inoculation à l'œuf, de certains oiseaux morts chez H.A.R.I., dans les années précédentes. Ces cas se sont produits de façon isolée et il n'y a pas eu de propagation d'une cage à l'autre.

Durant l'épidémie, aucun virus n'a été isolé, quoique l'hispathologie du foie a permis de trouver des inclusions intranucléaires chez la plupart des oiseaux morts, un signe d'herpèsvirus qui a été confirmé par la sérologie. Le vaccin peut seulement être efficace contre la souche d'herpèsvirus de Pacheco et peut ne pas l'être face à une éclosion virale d'un autre herpèsvirus.

Stress et maladie
Même si la vaccination stresse les oiseaux, lesquels doivent être manipulés pour recevoir l'injection, il demeure préférable de leur donner. La gestion de la santé comprend un régime alimentaire de qualité supérieure, une cage qui réduit le stress et une mise en quarantaine appropriée pour les nouveaux oiseaux. Le choix des mâles et des femelles pour la reproduction et les couples monogames doivent être surveillés attentivement afin d'obtenir des couples assortis et de ne pas engendrer de l'agressivité entre les oiseaux.

Lorsque les oiseaux ont à subir des changements soudains de température, un déménagement, une surpopulation, des bruits inhabituels, des modifications de leur programme de nourrissage ou de leur supervision, leur résistance est affaiblie. Des stress multiples causent une réaction plus importante que leur somme ne l'indiquerait. De nombreux oiseaux sont porteurs d'organismes qui transmettent des maladies, mais ne montrent aucun signe clinique. Des facteurs de stress peuvent transformer un tel état inactif en une maladie évolutive.

On devrait inspecter tous les oiseaux, chaque jour, afin d'observer leur consommation de nourriture et d'eau ainsi que leur état de santé.

Sommaire
Les aviculteurs devraient utiliser le plus de ressources possibles pour prévenir et surveiller la maladie. Ces moyens comprennent l'autopsie, les soins vétérinaires dispensés par des professionnels expérimentés et l'utilisation efficace de vaccins et médicaments pour prévenir des maladies telles la maladie de Pacheco et la psittacose. Chaque aviculteur devrait établir un plan de maîtrise de la maladie dans le cas d'une éclosion virale. Une telle planification contribuera à la prévention d'une éclosion étant donné qu'elle peut faire ressortir les secteurs de gestion déficients nécessitant de l'amélioration. Cette épidémie de 1989 a fait de la prévention de la maladie une priorité chez H.A.R.I. Tous les groupes de psittacidés, y compris les amazones, devraient être vaccinés contre la maladie de Pacheco étant donné qu'il peut y avoir des porteurs.


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